J'ai peur de devenir comme elle
Cela faisait un moment que je n'avais pas pensé à elle.
Cela faisait un moment que je n'avais pas parlé d'elle.
Et puis, petit à petit, l'image de ma mère m'est revenue.
Au début, c'était furtif, fugace, comme une sensation de déjà vu et puis, c'est devenu insistant, perturbant ne me lâchant plus, comme mon ombre.
Ce n'est pas un secret, j'en ai déjà parlé ici, ma mère et moi ne nous voyions plus, j'ai décidé après moult rebondissements, pour mon bien et celui de ma famille de couper les ponts.
Cela fait presque deux ans (ou peut-être déjà, je ne sais plus).
Cela n'a pas été une chose facile.
Il y a tout d'abord la culpabilité de balayer de sa vie un membre important de sa famille, puis les regrets et les fabulations autour d'une relation qui aurait pû être un jour apaisée et enfin il y a le deuil, celui d'avoir une mère, une maman.
Son souvenir revient me heurter depuis que l'Impératrice commence à s'opposer à moi.
Bon, ce n'est pas grand-chose.
Du haut de ses 16 mois, cela reste de "petits conflits" du type refuser de manger en secouant la tête et en disant "non", ou encore se mettre à crier et se rouler par terre car c'est moi, à mon tour qui lui ai dit "non".
Rien de comparable avec la gangrène qui est venu bousiller irrémédiablement ma relation avec ma mère.
Lorsque je suis devenu maman, j'ai décidé que je ne lui ressemblerais pas.
Mentalement c'est évident, mais je ne supporte pas non plus qu'on puisse me comparer à elle physiquement.
J'ai beaucoup fait en voulant faire ce que ma mère n'aurait jamais fait.
Alors, je me suis mise à tout donner à mes enfants (surtout au Dictateur, avant que sa soeur naisse et ne remettre un peu les choses à plat), à vouloir les aimer pour eux, mais aussi pour l'enfant malheureuse qui reste en moi et c'était trop à porter sur leurs épaules.
Je me suis détendue, j'ai lâché du lest et petit à petit.
Et je me suis vu faire des choses, comme un vieil automatisme, comme ma mère.
C'est ma mère qui cusinait en "cocotte-minute" et je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux m'empêcher de penser à elle lorsque je le fais.
C'est ma mère qui me proposait de ramasser des bouquets de feuilles en automne et je le fais aussi avec mes enfants.
C'est ma mère qui m'emmenait à la bibliothèque, à la piscine et je le fais ... aussi.
Je me suis aussi entendu dire des choses et utiliser des expressions qui étaient siennes et cela m'a vraiment secouée.
C'est complètement stupide, mais il y a ce mot, "risible", que ma mère employait lorsque j'étais ado, que je ne comprenais pas, mais auquel j'ai associé un sentiment d'humiliation, que je me suis jurée de ne jamais dire.
J'ai peur qu'il finisse par venir, tout comme ces choses que je fais, comme elle.
Lorsque j'étais enfant, je crois que tout allait bien avec ma mère.
Je ne suis pas sûre, car mon esprit a préféré coupé court à la torture et a effacé beaucoup de choses de ma mémoire... Une sorte de protection.
Je n'arrive plus à me souvenir de ce qui a tout brisé et cela m'effraie de reproduire cette chose.
Avec le recul, je me rends compte que j'ai peur d'être en conflit avec ma fille.
J'ai peur qu'elle et moi finissions par ne plus nous aimer, par nous haïr et que je sois responsable d'un schéma qui se reproduirait.